Neuf. Comme la neuvième édition de l’Open Sopra Steria de Lyon. Elles n’étaient que neuf. Neuf joueuses de tennis à se dresser face au manque de modernité de l’ère Open. Neuf joueuses de tennis à pointer du doigt le manque d’égalité dans leur sport, entre les hommes et les femmes. Neuf joueuses de tennis à l’origine du circuit féminin tel qu’on le connaît aujourd’hui. Récit de ces Original Nine, qui ont su faire basculer le tennis féminin dans une autre dimension. 

Billie Jean King, figure de proue d’une colère qui gronde

Elles sont sept américaines et deux australiennes, avec pour cheffe de file l’une des meilleures tenniswomen de tous les temps : Billie Jean King. En 1970, alors qu’elle a déjà presque tout gagné, “BJK” s’entoure de deux de ses compatriotes, Rosie Casals et Nancy Richey, pour s’entretenir avec la directrice du World Tennis Magazine et ancienne joueuse Gladys Heldman. Elles manifestent alors des envie de boycott du tennis, pour protester contre les dotations en tournoi, de plus en plus inégalitaires (12 contre 1 pour les femmes à l’US Open). 

Les prémices du circuit féminin

Mais Gladys Heldman propose mieux : la création d’un circuit professionnel exclusivement féminin et autonome. Neuf joueuses signent alors un contrat avec elle, pour un dollar symbolique, et ce malgré les menaces de suspension aux tournois nationaux et internationaux. En plus de Rosie Casal et Nancy Richey, Peaches Bartkowicz, Judy Tegart-Dalton, Julie Hedlman, Kerry Melville, Kristy Pigeon, Valérie Ziegenfuss et Billie Jean King viennent donc constituer le groupe des Original Nine. Cette dernière raconte : “On ne savait pas ce qui allait se passer. On avait un rêve, une vision. On voulait que n’importe quelle fille au monde, si elle était assez douée, puisse avoir la possibilité de jouer. On voulait également que les femmes soient reconnues pour leur réussite, pas seulement pour leur look et, chose la plus importante, qu’elles puissent vivre de leur activité de joueuses de tennis professionnelles”. 

Un premier tournoi aux Etats-Unis

Grâce à l’appui financier de la marque de cigarettes pour femmes Virginia Slims, un premier tournoi est organisé à Houston, du 21 au 27 septembre 1970. Huit des neuf joueuses y participent. Le montant de la dotation ? 7 500 $, dont 1600 promis à la gagnante. Trop peu ? Pour l’époque, pas forcément, quand on a en mémoire que BJK n’a reçu que 750£ pour sa victoire en 1968 à Wimbledon. Rosie Casal, alors favorite, s’impose en finale face à l’Australienne Judy Tegart-Dalton. 

Vers la Women’s Tennis Association

Dès l’année suivante, dix-neuf tournois sont programmés par le Virginia Slims. Pour protéger les joueuses et défendre leurs intérêt, Billie Jean King crée en 1973 la WTA, la Women’s Tennis Association. Elle sera réellement effective dix ans plus tard, lorsque s’opère la fusion des différents circuits majeurs féminins, en 1983. 

De nouveaux progrès à venir ? 

Si depuis 2007, les tournois du Grand Chelem appliquent une parité totale dans les dotations, les meilleures joueuses du circuit pointent du doigt les inégalités financières dans les autres tournois. A Cincinnati (Masters 1000), Aryna Sabalenka gagnait le tournoi et n’empochait que la moitié des gains de Jannik Sinner, lauréat chez les hommes. Plus récemment, c’est l’inégalité dans la programmation à Roland-Garros qui a été déplorée. Les Original 9 montraient le chemin il y a cinquante cinq ans… et la route est aujourd’hui encore longue ! 

Benjamin Vermersch